Grandir ensemble : quand l’éducation devient rencontre ; de l’autorité au lien, accompagner sans enfermer
Un bagage: chacun porte sur ses frêles épaules l’héritage de sa propre histoire et de sa propre éducation. Des figures parentales que nous avons modélisées: c’est-à-dire observées, imitées, parfois admirées et parfois redoutées. Elles nous ont façonnés, aidés à grandir, à évoluer. Avec cette évidence, avec le recul: chacun fait du mieux qu’il peut, là où il est, avec les moyens qu’il a. Élever, éduquer, accompagner sont trois verbes qui nous ramènent à la fois à nos rêves et à nos limites. Faut-il punir ? Récompenser ? Laisser faire ? Exiger ? La transmission est tout sauf simple : elle nous met face à nos contradictions et nous renvoie à nous-mêmes. Quelques bribes d’une conversation avec Mira Vanden Bosch, enseignante certifiée en Communication NonViolente autour de la thématique de l’éducation.
Éduquer, c’est aussi apprivoiser l’héritage de notre passé pour ne pas le faire peser sur l’avenir. « Nous transmettons en priorité à l’enfant ce que nous sommes, notre façon d’être, » Catherine Gueguen, pédiatre spécialisée dans le soutien à la parentalité
Tout commence (et se termine) par la relation
« La priorité, dans l’éducation, c’est la relation. Avant de vouloir transmettre, il s’agit d’être en lien, » Mira Vanden Bosch
Accompagner ou éduquer, c’est avant tout habiter et assumer une posture. Éduquer ne consiste pas à imposer des comportements, mais à incarner des valeurs, à devenir un adulte inspirant dont la présence ouvre un espace de confiance et de sécurité. Ce qui importe, c’est la rencontre. Cet espace fragile et précieux où je ne cherche plus à modeler l’autre, mais à marcher à ses côtés, en reconnaissant ce qui est vivant en lui comme en moi.
L’enfant apprend moins de ce qu’on lui ordonne que de ce qu’il voit, ressent et imite. « Ils vont nous imiter, quoi qu’on fasse, » explique Mira. Ce que ne contredit pas Catherine Gueguen: « Élever un enfant, c’est se poser cette question : que souhaitons-nous transmettre à nos enfants ? Quand l’enfant est frappé, le geste de frapper est reproduit dans son cerveau, il apprend ce geste. Voulons-nous lui apprendre la violence ? Quand l’enfant est câliné, il apprend la tendresse. Préférons-nous lui transmettre et lui apprendre les gestes d’affection ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’affection, la tendresse se transmettent et s’apprennent, comme leur inverse, la violence. L’enfant nous imite, nous lui transmettons en priorité ce que nous faisons et ce que nous sommes.”
Une autorité bienveillante, késako ?
« L’autorité, ce n’est pas soumettre l’autre, ni le faire obéir à tout prix. C’est incarner une présence intérieure qui inspire confiance, sécurité et des limites claires, » Mira Vanden Bosch
A ne pas confondre: bienveillance rime très souvent (à tort) avec laxisme. Cependant, sans cadre ou sans repères, l’enfant se sent perdu et en insécurité. A contrario, trop de rigidité engendre rébellion ou soumission. L’autorité bienveillante, c’est donc ce juste milieu où l’adulte assume ses besoins, les exprime et ouvre un espace où chacun peut contribuer.
« L’autorité bienveillante n’est pas laisser tout faire. C’est au contraire poser un cadre clair, aligné avec ses besoins et ceux du collectif », Mira Vanden Bosch
Punition et récompense : changer de regard et se poser cette question: qu’y a-t-il derrière ce geste ?
« Punir ou récompenser, c’est mettre l’accent sur le comportement. L’enjeu, c’est d’aller voir quels besoins se cachent derrière », Mira Vanden Bosch
Punir ou récompenser, c’est éduquer en ne prenant en compte que le comportement. Qu’y a- t-il derrière un geste ? Que cache un comportement ? Quel besoin n’a pas été écouté ou satisfait ?
Dans les cours de récréation, combien d’enfants sont envoyés « contre le mur », écarté du groupe – punis ou récompensés comme des machines à obéir. Mira raconte cette anecdote: un jour, un garçon en colère s’accapare un ballon et le projette au-delà du terrain. Plutôt que de le sanctionner, Mira choisit de l’écouter. Une reconnaissance qui ouvre la voie à un dialogue, plutôt qu’à l’exclusion. Et l’enfant, en confiance, lâche alors :
« Je suis tellement fâché, ils me traitent tous de gros. Ils ne veulent pas que je joue. Alors j’ai choisi de shooter dans le ballon, sinon j’aurais frappé dans leur tête. »
Mira entend la douleur, la solitude, un besoin d’appartenance. Elle ne voit pas « un problème à corriger », mais « une personne à rejoindre. » Cet instant illustre l’autorité bienveillante.
« L’autorité, ce n’est pas soumettre l’autre ni le faire obéir à tout prix. C’est incarner une présence intérieure qui inspire confiance, sécurité et des limites claires. » Être ferme sans être violent. Poser un cadre, non pour contrôler, mais pour protéger et guider. L’enfant ne se sent alors ni abandonné, ni humilié, mais reconnu dans ce qu’il vit. Le ballon envoyé trop loin reste un comportement inacceptable, certes. Cependant, il peut aussi être compris comme le signe d’un besoin non entendu.
Eduquer, un travail d’humanité
Chaque parent, chaque éducateur porte sa propre histoire. Et les enfants, comme des miroirs grossissants, ravivent nos blessures d’hier : nos mémoires d’avoir été (ou non) entendu, reconnu, respecté ou ignoré. « Chacun fait du mieux qu’il peut, là où il est, avec les moyens qu’il a. »
La CNV, appliquée à l’éducation, n’est pas une recette miracle. C’est une invitation à plus d’humanité : accueillir nos failles, chercher du soutien, pratiquer le dialogue plutôt que la menace, et redonner aux jeunes la liberté de contribuer.
« La bienveillance, ce n’est pas être gentil tout le temps. C’est retirer les jugements, les menaces et le pouvoir sur l’autre, » Mira Vanden Bosch
Conclusion: les voix d’hier, les gestes d’aujourd’hui
« Rien de ce qui a existé ne saurait disparaître. Je ne meurs pas, tu me continues, » Baptiste Beaulieu
Chaque geste du présent porte, et souvent sans que nous le sachions, l’empreinte de notre histoire et de l’éducation que nous avons reçue. Nos mots d’aujourd’hui vibrent encore des voix qui nous ont accompagnés et façonnés hier.
Réinventer l’éducation, c’est oser changer de regard. C’est accepter de quitter les vieux schémas de soumission et de contrôle pour ouvrir un espace de coopération. Quand on passe de « fais ce que je dis » à « voici ce dont j’ai besoin, et toi ? », on invite l’enfant à participer, pas à obéir. Et c’est là que la magie opère : au lieu de résister, il peut choisir de coopérer.
Éduquer, c’est aussi se souvenir que derrière chaque comportement se cache un besoin insatisfait. C’est placer la relation au centre, encore et toujours. C’est révéler des êtres capables de contribuer, d’écouter et de coopérer. C’est offrir aux adultes la possibilité d’être des modèles inspirants plutôt que des surveillants.
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