đ§ Podcast « faire lien »: Et si lâignorance Ă©tait un soin ? Habiter lâincertitude et Ă©couter sans savoir, François Balta
Aujourdâhui dans « Faire lien », on vous propose de plonger dans la pensĂ©e dâun homme singulier : François Balta, mĂ©decin psychiatre, psychothĂ©rapeute, formateur. Nous nous appuyons sur une de ses interviews, rĂ©alisĂ©e par Julien Besse dans Confidence de thĂ©rapeute, pour explorer un concept central et Ă©tonnant de son approche : lâignorance fĂ©conde.Comment le fait de ne pas savoir peut-il devenir une ressource clĂ© en thĂ©rapie ? Et plus largement, que nous dit cette posture sur notre maniĂšre dâĂȘtre en lien avec les autres ?
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Notre savoir nous rassure mais il nous encombre et nous limite, tandis que lâignorance est une porte qui sâouvre by fabien.salliou
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François Balta a un parcours riche et pluriel. Il sâest formĂ© Ă la psychanalyse, Ă la Gestalt, Ă lâanalyse transactionnelle, des approches centrĂ©es sur lâindividu. Puis il a bifurquĂ© vers la pensĂ©e systĂ©mique, notamment aux cĂŽtĂ©s de Mony ElkaĂŻm, oĂč lâattention se dĂ©place vers les relations, les contextes, les systĂšmes dâinteraction.
Et câest ce cheminement, cette traversĂ©e de plusieurs courants, qui lâa conduit Ă revaloriser quelque chose de rare : le non-savoir. Pas lâignorance comme vide, mais comme espace dâouverture. Une posture Ă part entiĂšre.
« Il faut savoir que notre ressource principale par rapport aux gens quâon va recevoirâŠcâest notre ignorance. »
Cette phrase peut surprendre. Elle bouscule lâimage du thĂ©rapeute-expert, de celui qui sait. Mais si on y regarde de plus prĂšs, la logique est puissante. Chaque personne, chaque famille, est un monde en soi. Un systĂšme unique, avec ses propres rĂšgles, son langage, ses rĂ©cits. Et quand on arrive avec nos grilles dâanalyse toutes faites, nos catĂ©gories bien rodĂ©es⊠on risque de passer Ă cĂŽtĂ© de lâessentiel. De ne pas voir ce qui se joue vraiment pour lâautre.
Balta insiste : lâignorance, au dĂ©part, oblige Ă lâhumilitĂ©. Elle invite Ă Ă©couter vraiment. Ă suspendre nos certitudes. Il utilise une image trĂšs forte pour illustrer cela :
« Nous sommes comme des ethnologues parachutés dans une tribu lointaine. »
Imaginez. Vous atterrissez dans un territoire inconnu. Vous nâen comprenez ni la langue, ni les coutumes, ni les croyances.
Que faites-vous ? Vous observez. Vous écoutez. Vous tùchez de comprendre⊠sans projeter, sans juger.
Câest cette posture-lĂ que Balta propose en thĂ©rapie. Une curiositĂ© active, une attention qui se rend disponible, mĂȘme au dĂ©rangement. Parce que, dit-il, « Notre savoir nous rassure, mais il nous encombre et nous limite. Tandis que lâignorance est une porte qui sâouvre. »
Et câest prĂ©cisĂ©ment lĂ que se joue ce quâil appelle lâignorance fĂ©conde. Ce nâest pas de la naĂŻvetĂ©. Ce nâest pas un effacement. Câest une maniĂšre dâĂȘtre prĂ©sent autrement : en sâĂ©tonnant, en accueillant, en posant des questions ouvertes comme :
« Tiens, câest intĂ©ressant comme vous faites çaâŠMoi, jâaurais cru autrement. Vous pouvez mâen dire plus ? »
Câest un travail dâaccompagnement, pas dâexplication. On ne cherche pas sur la personne, mais avec elle. On accepte de ne pas savoir Ă sa place, pour quâelle puisse, elle, savoir un peu mieux pour elle-mĂȘme.
Cette approche thĂ©rapeutique sâenracine dans une vision plus large de lâexistence.
« Exister, ce nâest pas facile », rappelle Balta. La vie est faite de changements, de pertes, de transitions, de deuils. Mais au lieu de chercher Ă sâen protĂ©ger, il nous propose une autre lecture : « Ce ne sont pas nous qui faisons les deuils⊠Ce sont les deuils qui nous font. »
Nous sommes façonnĂ©s par ce qui nous manque, par ce que nous traversons, par ce que nous devons laisser derriĂšre nous. Et dans ce contexte dâinstabilitĂ© permanente, la thĂ©rapie ne vise pas Ă tout rĂ©soudre. Elle ne promet pas la sortie de crise. Elle accompagne les tentatives, mĂȘme imparfaites, de vivre avec tout ça.
Comment faire un pas de cÎté ? Comment regarder autrement ? Comment co-habiter avec les contradictions de la vie ?
Ce que nous dit Balta, câest quâil ne sâagit pas de proposer des recettes. Mais dâĂȘtre lĂ , prĂ©sent, avec sa propre sensibilitĂ©,
dâĂ©couter les rĂ©sonances, les Ă©chos que lâautre fait naĂźtre en nous et dâutiliser cela comme outil dâalliance.
Alors, si on devait garder une chose de cette rencontre, ce serait sans doute ceci :
Lâignorance nâest pas une faiblesse. Câest une ressource active. Un outil puissant. Une maniĂšre dâĂȘtre au monde, disponible, curieux, prĂ©sent.
Et peut-ĂȘtre que cette posture ne concerne pas que les thĂ©rapeutes.Peut-ĂȘtre que chacun de nous, dans nos vies personnelles, professionnelles, familiales, pourrait en tirer quelque chose.
Alors, pour conclure, une simple question : Dans quelles situations, autour de vous, pourriez-vous expĂ©rimenter cette posture dâignorance fĂ©conde ? Cette ouverture Ă ce que vous ignorez encore de lâautre, ou de vous-mĂȘme ?
Merci dâavoir Ă©coutĂ© cet Ă©pisode. Et Ă bientĂŽt pour de nouvelles explorations.
đ Source
Ecouter vraiment cette captivante et inspirante interview de François Balta par Julien Besse: « Comment Ătre avec lâAutre sans se Perdre soi-mĂȘme » : https://www.youtube.com/watch?v=rWk7tln5Or0&feature=youtu.be