Choix de vie: et s’il était impossible de ne pas être dans le véritable inconnu, dans l’insondable incertitude. Et si ces expériences de vie transformatrices faisaient de vous des personnes si différentes qu’au final, entre la personne qui a pris la décision et celle qui la vit, il y a deux êtres distincts qui se font face. Nous sommes terrorisés par l’ignorance. Nous sommes paralysés par le regret de faire tel ou tel choix. Et cela était inévitable ? Et s’il suffisait, simplement, de faire le grand saut…

Expérimentez. Vous êtes face à un choix de vie: soit faire des études en Intelligence Artificielle, soit devenir peintre. Pour vous, l’une de ces décisions revêt un caractère rationnel: suivre des études en IA vous permettrait d’avoir facilement un job et de gagner votre vie. L’autre décision s’habille de votre valeur authenticité: de votre rêve de peindre et d’en vivre – ce qui est plus complexe ou hasardeux à notre époque. Alors, vous vous projetez dans l’avenir. Vous concevez des « vous » futur qui vivent une vie et une autre. Vous vous imaginez dans des scénarios multiples et opposés et appréciez la personne que vous pouvez devenir. Est-ce une stratégie pertinente ? Sans doute pas, nous explique L.A Paul professeure de philosophie à l’université de Yale dans un article du Philosophie Magazine

L’inéluctable choix de l’incertitude

« Rien n’est pire, quand on réfléchit à ce que l’on veut faire de sa vie, que croire qu’il faudrait déterminer quelle est la vie future que l’on souhaite. Pourquoi ? Parce qu’en admettant que vous deveniez effectivement l’un de ces types humains, vous allez, en le devenant, faire évoluer vos préférences et même votre personne. Vous allez expérimenter une vie, avec ses satisfactions et ses épreuves, ses savoir-faire et ses valeurs, que vous n’auriez pas acquis si vous n’aviez pas effectué ce choix. Et cela vous transformera. »

Et de rajouter: « La difficulté vient du fait que l’on est à la fois l’auteur de nos décisions et le principal sujet d’expérience des effets de nos actes (…) Dès lors, le seul choix que l’on peut faire en connaissance de cause, la seule chose dont on soit responsable en situation d’ignorance de l’avenir, c’est de se livrer – ou non – à cette transformation et de se laisser pleinement transformer par le choix qu’on a fait, une fois qu’on l’a fait. C’est douloureux, stressant, risqué, mais cela recèle aussi une certaine beauté, liée au fait d’embrasser la vie. On ne peut pas anticiper, simuler l’avenir, on peut seulement se décider – ou non – pour la révélation qu’il va nous procurer. »

En résumé: lâcher-prise et laisser-faire et se « laisser pleinement transformer par le choix qu’on a fait »

  • Laisser-faire: se lancer corps et âme, en confiance, sur un chemin. Et sans trop fabuler sur le pour et le contre. Sans trop prendre en considération notre capacité à faire des choix de vie dont les effets et conséquences nous échappent.
  • Lâcher-prise: accepter que vous ne puissiez pas savoir ce que votre décision va faire de vous.

L’inéluctable choix du regret

Et comme le souligne le directeur de la rédaction de Philosophie Magazine, « l’erreur la plus commune, en matière de choix de vie, est de chercher à faire un choix qu’on ne regrettera pas. Or il est évident qu’on éprouvera du regret, ne serait-ce que sous la forme atténuée de la nostalgie.

Ne convient-il pas, alors, de retourner le problème: « Si deux voies opposées s’offrent à nous, sur le plan professionnel ou amoureux, nous devons choisir aussi la couleur de notre regret à venir, puisque regret il y aura quoi qu’il arrive. » Et se questionner: « à quoi suis-je capable de renoncer ? Qu’est-ce qui est vraiment indispensable à mes yeux ? »

Source: “Comment prendre la bonne décision ?”, Philosophie Magazine, N°176, février 2024