On ne naît pas parent, on le devient. Une longue lettre et un court livre ; c’est ce que nous offre Catherine Gueguen, pédiatre spécialisée dans le soutien à la parentalité, formée en Communication NonViolente et en haptonomie. « Lettre à un jeune parent » est écrit simplement et va à l’essentiel. Au programme de cet ouvrage: des mots pertinents, des conseils avisés, beaucoup de bienveillance et du réconfort afin de nous accompagner dans la découverte du plus vieux métier du monde: être parent.

« Personne ne vous apprend à être parent. Pourtant, c’est l’une des tâches les plus complexes au monde. Vous vivez parfois des moments merveilleux, des moments de pur bonheur où vous vous sentez empli d’amour, touché, ému, bouleversé, émerveillé par votre enfant. Mais parfois, être parent est aussi très éprouvant, car un “enfant-petit”, c’est-à-dire de la naissance jusqu’à 7 ans, demande énormément de temps, d’attention, d’affection. »

Le plus vieux métier du monde n’est effectivement pas enseigné. Pas d’écoles, pas de formations, pas de diplômes, pas de stages. Rien n’est structurellement prévu pour former un futur parent à le devenir, concrètement. Et la tradition des savoirs au sein de notre communauté – qui peut être définie comme l’héritage par lequel le passé se perpétue dans le présent – tend à disparaître.

Que faire pour se préparer ? Les futurs parents vont lire, écouter des témoignages sur YouTube et en podcast, demander conseils et témoignages auprès de leurs amis, de leurs parents, de professionnels de la santé: “Alors, comment cela se passe ? Qu’est-ce que je dois savoir ?”. Souvent les informations qu’ils collecteront ne coïncideront pas. Des variantes dans le discours des personnes consultées se feront entendre. Il y a des théories, des mouvances, et chaque personne interrogée est plus ou moins proche de l’une ou de l’autre. Pour un futur parent, cette absence de certitude est inconfortable. C’est déroutant. C’est questionnant. C’est incertain.

Être parent, c’est être flexible. C’est savoir qu’il existe des théories, mais avant tout un être, chair de sa chair, qui est présent. Qui vit toutes ses journées dans l’ici et le maintenant. Qui est né prématuré, comme tous les bébés – fruit de notre évolution et de notre posture « être debout ». Un petit être en construction qui ne demande qu’à se sentir en sécurité dans un monde qu’il ne connaît pas. Un monde qu’il découvre au fil des jours, des mois, des années. Et toujours différemment. Sa vue et son ouïe s’ajustent. En attendant, bébé est à l’affût de toutes émotions. Un être d’une empathie extrême, une véritable éponge à émotions. Rien ne lui échappe. Chaque signal, chaque bruit passe à travers son radar émotionnel.

Auparavant, petit, l’enfant était étiqueté comme capricieux, tyrannique, infernal, méchant,” écrit Catherine Gueguen avant de renchérir: “Les recherches actuelles nous disent au contraire que l’enfant, dès sa naissance, est ouvert aux autres affectivement, qu’il est empathique, capable de sentir les émotions de son entourage, avide d’échanges, et qu’il montre très rapidement, au bout de quelques mois seulement, des capacités d’altruisme. Ce sont des atouts incroyables. En revanche, il a un immense besoin d’être sécurisé, rassuré quand il est en détresse, car il est extrêmement fragile, immature et dépendant de vous.”

Pour exprimer ses désirs, pour parler, pour décharger ses émotions, etc. votre enfant n’a que les cris et les pleurs, ses seuls moyens d’expression. Pour se construire, votre enfant va vous observer, et vous imiter dans votre être, dans votre posture plus que dans vos paroles. N’oublions pas ces sages paroles d’Emerson: « Tes actes parlent si fort que je n’entends pas ce que tu dis. »

N’oubliez pas que votre enfant à un cerveau immature et en pleine construction. C’est un fait: « Le cerveau de votre enfant est très immature (…) et c’est seulement vers 25 ans que son cerveau sera considéré comme mature et donc adulte ! C’est une grande avancée de savoir que jusqu’à 5-6 voire 7 ans, il lui est impossible de faire face à ses émotions, à ses impulsions, » explique Catherine Gueguen avant de conclure: « Ce n’est pas qu’il ne sait pas ou ne veut pas, c’est qu’il ne peut pas y parvenir. » 

catherine gueguen lettre

Qu’est-ce que l’éducation ? A cette question, Catherine Gueguen donne une belle définition: « L’éducation est un processus complexe et subtil. C’est une recherche d’équilibre, avec une adaptation permanente aux besoins de l’enfant, dans le moment présent. Vous êtes là quand votre enfant a besoin d’affection, de réconfort, d’encouragements, mais dès que vous sentez qu’il souhaite découvrir, explorer, qu’il a besoin de liberté, vous le laissez faire. Il va alors expérimenter, apprendre, se tromper, se heurter à des difficultés, puis retrouver la force de recommencer. Vous pouvez hésiter, avoir des doutes sur ce qui est le mieux pour lui. Demandez-lui alors:” Toi, qu’en penses-tu ? Que souhaites-tu ? Es-tu d’accord si …? »

Et si on ne naît pas parent et qu’on le devient, on n’est pas de son pays, on est de son enfance. Et comme l’écrit Christian Bobin dans son ouvrage « Le huitième jour de la semaine« : « Les grandes décisions se prennent dès l’enfance, celles qui orientent le cours des astres et l’allure des songes. Elles naissent de tout et de rien. Elles naissent de l’indigence soudainement révélée du tout de la vie. A sept ans, l’âme est déjà menée à son terme, enroulée sur sa propre absence, comme les pétales de rose, amoureusement repliés sur le vide en leur centre. »

Si vous voulez le bonheur de vos enfants, travaillez à trouver le vôtre, Boris Cyrulnik

Données techniques: « Lettre à un jeune parent, » Catherine Gueguen, ed. Les Arènes, septembre 2020, 159 pages