En dehors de votre réveil ou de votre chat qui demande, par miaulement successifs, sa pitance ou de votre chien qui souhaite impatiemment se soulager à l’extérieur: qu’est-ce qui vous pousse hors de votre lit douillet le matin ? Qu’est-ce qui vous motive à aller (ou ne pas aller) travailler ? La psychologue Amy Wrzesniewski pose cette question: comment considérez-vous votre travail ? Le psychologue Dan Ariely, quant à lui, questionne la notion de sens, de reconnaissance et d’effort. Et l’anthropologue Clifford Geertz pose dans notre champ de réflexion le fait que nous sommes des “animaux inachevés” façonnés par la société qui nous entoure.

« Il est erroné de prétendre qu’on ne trouve plus de personnel qui travaille bien. Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’on ne trouve plus de personne qui travaille bien si on confie uniquement aux gens des tâches aliénantes et privées d’âme. Pour trouver du personnel qui travaille bien, il faut du travail que les gens ont envie d’accomplir, » Barry Schwartz

Dans son ouvrage, “Pourquoi on travaille”, Barry Schwartz expose la théorie de la psychologue Amy Wrzesniewski qui insiste sur comment les individus considèrent leur travail. Pour Amy, le travail possède trois caractéristiques:

  • une caractéristique vocation,
  • une caractéristique job,
  • une caractéristique carrière.

💶 Si votre travail est un job: vous travaillez pour de l’argent (sans plaisir, ni joie)

“Les individus qui envisagent leur activité comme un job ont peu de latitude, leur implication est minimale, le sens qu’ils y trouvent aussi. Les gens qui ont des jobs considèrent le travail comme une nécessité, un gagne pain ; ils travaillent pour l’argent, ils changeraient de job s’ils avaient la possibilité d’accroître leur revenus, ils sont pressés d’arriver à la retraite et ils ne conseilleraient pas leurs amis ni à leurs enfants de suivre la même voie qu’eux.”

📈 Si votre travail est une carrière: vous travaillez pour accéder à un poste plus important (avec parfois de la joie et du plaisir)

“Les personnes qui envisagent leur métier comme une carrière ont généralement plus de latitude et elles sont plus impliquées. Parfois, leur activité leur procure même du plaisir. Cependant, leur priorité réside dans l’obtention d’une promotion. Ils se voient sur une trajectoire menant à l’avancement, à une rémunération plus élevée, à un meilleur poste.”

☀️ Si votre travail est une vocation: vous travaillez sans travailler (avec plaisir et joie)

“Ce sont les individus qui considèrent leur travail comme une vocation qui le jugent le plus satisfaisant. Leur métier constitue l’une des facettes les plus importantes de leur vie. C’est une source de bonheur qui représente un élément essentiel de leur identité et ils en tirent une grande satisfaction. Ils estiment que leur quotidien fait avancer les choses et ils encourageraient les amis et leurs enfants à faire le même choix qu’eux”.

« Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie, » Confucius

💡 Qu’est-ce qui détermine l’appréciation qu’a un individu de son travail ?

Cela dépend de la personnalité de chacun, de leur attitude face au travail. Il y a aussi ce que Amy Wrzesniewski nomme “le job crafting” pour nommer les salariés qui façonnent leur job à leur manière. Ces salariés qui suivent et contournent – un peu – leur fiche de poste afin de donner du sens à leur labeur et se sentir impliqués dans la mission de leur entreprise.

🚀 La question du sens, de la reconnaissance et de l’effort

Pour le professeur en économie comportementale Dan Ariely, la question “Qu’est-ce qui nous motive vraiment à travailler ?” est simple et n’implique qu’une réponse en trois mots: sens, reconnaissance et effort.

💪 L’effort. « Il y a cette vieille histoire de recette de gâteau. Quand ils ont lancé ces recettes dans les années quarante, ils mettaient une poudre dans une boite, et demandaient aux ménagères de tout simplement la verser, l’incorporer à un peu d’eau, la mélanger, la mettre au four — et voilà! Le gâteau était prêt. Ça s’est révélé très peu vendeur. Les gens n’en voulaient pas. On a cherché tout un tas de raisons. Le goût était peut-être mauvais ? Non, le goût était super. On s’est aperçu que cela n’impliquait pas assez d’effort. C’était trop facile pour qu’on puisse le servir à ses invités et dire, « Et voilà mon gâteau ». Non, c’était le gâteau de quelqu’un d’autre. C’était comme si vous l’aviez acheté dans un magasin. Ce n’était pas le vôtre. Qu’a-t-on fait ? Ils ont retiré les œufs et le lait en poudre de la recette. Vous deviez désormais casser les œufs et les ajouter. Il vous fallait mesurer le lait, l’ajouter et le mélanger. C’était votre gâteau. Tout était parfait. »

🙌 Le sens et la reconnaissance. « Si vous opposez Adam Smith à Karl Marx, Adam Smith avait la notion de rendement. Il a donné cet exemple d’une fabrique d’épingles. Les épingles sont fabriquées en douze étapes, et si une seule personnes fait les douze, la production est faible. Mais si une personne fait l’étape une, une personne l’étape deux, et une autre l’étape trois, etc, la production augmente énormément. En effet, cela est un très bon exemple et la raison de la révolution industrielle et de la productivité. Karl Marx, d’un autre côté, a dit que l’aliénation au travail est très importante pour déterminer comment les gens sont connectés à ce qu’ils font. Et si vous faites les 12 étapes, vous vous souciez de l’épingle. Alors que si vous faite une étape répétitivement, vous vous en moquez. Je pense que lors de la révolution industrielle, Adam Smith était plus dans le vrai que Karl Marx, mais la tendance s’est inversée, maintenant que nous sommes dans l’économie du savoir. »

🧠 Et dans une économie du savoir, le rendement est-il toujours prioritaire sur le sens ? « Je pense que la réponse est non. Je pense qu’au fur et à mesure que l’on va vers une situation où les gens doivent décider par eux même de la quantité d’effort, l’attention, de la connexion qu’ils ont: s’ils pensent à leur travail dans le métro, ou dans la douche, etc, d’un coup, Marx devient plus utile. Lorsque l’on parle de travail, on voit d’abord notre motivation et notre salaire comme une même chose, mais la réalité est qu’il faut ajouter d’autres choses, comme: le sens, la création, le défis, l’appartenance, l’identité, la fierté, etc. La bonne nouvelle est que si l’on rassemble toutes ces choses et qu’on y pense, comment créer un sens, une fierté, une motivation, et comment l’appliquer dans le travail et pour les employés, On pourrait rendre les gens à la fois plus productifs, et plus heureux. »

🛠️ Nous sommes des animaux inachevés…

“Il y a quarante ans, l’éminent anthropologue Clifford Geertz a dit que les hommes étaient des “animaux inachevés”. Ce qu’il entendait par là, c’est que la nature humaine est le produit de la société qui l’entoure. Cette nature humaine-là, nous la créons plus que nous la découvrons. Nous façonnons la nature humaine, en édifiant les institutions au sein desquelles nous vivons. Par conséquent, il convient de s’interroger sur le caractère précis de la nature humaine que nous voulons contribuer à façonner. Si nous aspirons à façonner une nature humaine qui cherche et trouve des défis, de l’implication,, du sens et de la satisfaction dans le travail (…) nous devons participer à la création de lieux de travail rendant possibles les défis, l’implication, le sens et la satisfaction.” Cela semble simpliste, redondant et évident. Pourtant, est-ce si évident ?

Selon Douglas McGregor, psychologue et professeur au MIT: on ne motive pas les Hommes. »L’Homme est motivé par nature. » La véritable question à se poser est donc: comment mettre en place un environnement où les salariés se motivent eux-mêmes ?

🕵️ Une conclusion –  et aussi un paradoxe – est qu’il faut arrêter d’essayer de motiver ses employés. Si vous mettez en place un environnement qui permet à vos collaborateurs de se développer et de s’autodiriger, alors la motivation suivra. Ou comme le résumait Robert Chase Townsend, homme d’affaires américain: « Fournissez le climat et les nutriments qu’il faut, et laissez les gens pousser tout seuls. Ils vous surprendront. »

Que pensez-vous de ces théories ?

Sources, 

  • « Pourquoi on travaille », Barry Schwartz, Marabout, 2016, 107 pages
  • « What makes us feel good about our work? », Dan Ariely, 2012, conférence TED: https://www.ted.com/talks/dan_ariely_what_makes_us_feel_good_about_our_work

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La question des motivations, du sens et des compétences, avec Coralie Archambeau