Magnifique et bouleversant. Nous ne pouvions pas ne pas relayer cet émouvant témoignage que l’écrivain Baptiste Beaulieu a partagé, il y a quelques jours, sur instagram. L’auteur de “Les gens sont beaux” nous parle de l’amour et de son enfant. Une lettre que vous trouverez ci-dessous. Belle lecture.

J’ai essayé de réfléchir à l’amour.
J’aime mes parents, mes sœurs et mon compagnon. Mais je n’avais jamais aimé comme j’aime mon enfant. J’ai essayé de comprendre pourquoi.

Était-ce seulement quelque chose d’animal ? Comme une volonté primitive de “persévérer dans mon être” à travers une descendance ? Est-ce que qu’aimer son enfant serait finalement s’aimer soi ? Ou l’idée que “nous continuerons à exister après nous” grâce à eux ? Je crois que non, ce n’est pas ça.

On naît, on grandit, on porte des masques, on se contrefait pour les autres, pour le boulot, pour les amis, on triche un peu, on passe de petits arrangements avec sa conscience, on ne veut pas dire non, alors on dit oui, on se perd en chemin, parfois – souvent – ça vient peu à peu, c’est comme la grenouille dans l’eau chaude, on ne s’en rend pas compte.

Peut-être même qu’on se juge, qu’on se déteste, qu’on a du mépris pour soi. On finit par devenir tout petit dans nos têtes, tout petit derrière nos masques.
Puis, un jour, un enfant te regarde et ses yeux disent: “tu es important” ou “je compte sur toi. Je ne peux compter que sur toi” et on ressent un truc qu’on avait oublié.

Quelqu’un nous accorde sa confiance. Quelqu’un compte sur nous. C’est même une question de vie ou de mort. Quelqu’un tout nu, sans pelage, sans croc, sans griffe.

Alors on l’aime parce qu’il nous rappelle que derrière les masques, il y avait quelqu’un de vrai, il y a longtemps. Qui ne trichait pas. Et cet enfant vous voit. Il vous voit sans les masques. Sans les petits arrangements. Il vous voit et, MALGRÉ TOUT, il vous aime.

Moi, je ne danse pas devant les gens. Parce que je n’aime pas mon corps et la manière dont il bouge. Je me déteste tellement. Et pourtant je peux danser devant mon enfant et il remue son popotin aussi – et il n’y a pas de jugement.

C’est peut-être pour ça qu’on les aime. Parce qu’ils nous disent à leur manière: tu n’as pas besoin de masque avec moi, je n’ai pas besoin d’une personne avec un masque. J’ai juste besoin d’avoir quelqu’un sur qui compter ET je suis sûr que tu es cette personne sur qui je peux compter.

Alors quoi ?
Alors on se dit qu’on veut être digne de ça. De cette confiance là, placée en nous. J’ai un doctorat en médecine, j’ai publié 7 romans, été traduit dans 17 langues, j’ai parlé six ans durant à des millions de personnes sur France Inter, pourtant je ne me suis jamais senti important. Mon enfant me regarde et c’est la première fois de ma vie que je me sens important pour quelqu’un.

J’ai souvent culpabilisé de ne pas rendre à mes parents tout l’amour qu’ils avaient pour moi. Cet amour inconditionnel. J’ai été tellement dur avec eux parfois.Et je me sentais, sans pouvoir le dire avec les bons mots (je suis désolé), une asymétrie entre l’amour qu’ils me portaient et l’amour que j’avais pour eux.

Aujourd’hui je comprends: mon enfant ne m’aimera jamais comme je l’aime. C’est parce que l’amour fou de mes parents, je dois maintenant le rendre. Le transmettre. Le faire circuler. Sans rien attendre en retour, de la même manière que mes parents n’attendaient rien en retour. Aimer cet enfant comme j’ai eu le chance folle d’avoir été aimé.

Cet amour n’était pas à moi, parce que l’amour c’est quelque chose qu’on ne possède pas, on en est juste dépositaire, pour un temps. Il est à donner, l’amour. Toujours à donner. A un plus petit que soi qui nous regarde avec des yeux qui crient “toi, tu es MA grande personne.” Voilà pourquoi on les aime: avant lui, je n’avais jamais été grand pour qui que ce soit.

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