Avant de résoudre un problème, encore faut-il bien le spécifier. C’est inévitable: un problème mal posé conduit à adopter des solutions erronées. Comment formuler clairement une problématique ? Comment bien cadrer un problème ? Retour sur cette étape essentielle et bien souvent oubliée ou mise de côté.

Et si la solution était le problème ?

Comme l’écrivent Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony dans leur ouvrage “Trouvez-moi la solution”: “Mal poser un problème est le premier piège qui attend celui qui veut le résoudre,” et de rajouter: “spécifier une question sous la forme d’un problème insoluble masque les opportunités.” C’est comme rétrécir son champ de vision. L’énoncé de la problématique oriente une palette de solutions et en écarte d’autres (qui pourraient s’avérer plus efficaces).

Coach et formateur pour Emancipe, Pierre Guillaume insiste également sur cette définition du problème (qui est à la base du Slow à 7 temps, méthode de résolution de problème basée sur l’intelligence collective). Pour Pierre Guillaume: “Prendre du temps à définir pleinement le problème c’est déjà y répondre.

Résolution de problèmes: quel mécanisme nous induit en erreur ?

C’est un fait. “Nous sommes capables de tricoter une histoire cohérente à partir de n’importe quelles informations, même si celles-ci nous parviennent de façon aléatoire. On ne peut pas s’empêcher de détecter des signaux, même dans le brouhaha, au risque de croire ce qu’on raconte et d’agir en conséquence,” écrivent Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony.
Notre cerveau n’apprécie pas le hasard, ni l’incertitude. Notre cerveau n’aime pas ne pas trouver de sens, n’aime pas ne pas trouver de cohérence. Notre cerveau est parfois plus un auteur de roman fictionnel qu’un factuel historien.

Daniel Kahneman, prix nobel d’économie, propose ainsi un modèle théorique du fonctionnement de la pensée humaine. Selon Kahneman nous avons deux systèmes de pensée, qu’il nomme système 1 et système 2. “Notre cerveau combine donc deux systèmes cognitifs qui se disputent en permanence nos opérations mentales”ou nos décisions, précisent Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony.

  • Le système 1 ; intuitif, automatique et rapide: “L’activité du Système 1 est involontaire, automatique et inconsciente. En pensant vite, nous nous limitons aux informations à portée de main, au lieu d’aller chercher celles qui nous aideraient à mieux comprendre la situation. Daniel Kahneman nomme cette tendance COVERA pour “ce qu’on voit et rien d’autre”.
  • Le système 2 ; réflexif, logique et lent: “Inversement la pensée lente ou Système 2 ne peut être qu’intentionnelle, parce qu’elle exige des efforts d’attention et une réflexion consciente. Mais ces efforts sont coûteux sur le plan cognitif. “

Comme l’explique Daniel Kahneman: “La loi du moindre effort s’applique autant à la réflexion qu’à l’effort physique. Si plusieurs approches [de prise de décision] permettent d’atteindre le même but, c’est la méthode la moins énergivore qui sera la plus populaire.

Ainsi, lorsque nous faisons face à des problèmes difficiles, nous cédons souvent à cette loi. Plus concrètement, “notre pensée fonctionne par défaut en mode rapide (le système 1), même quand les problèmes qu’elle rencontre sont complexes.” C’est-à -dire que “nous nous reposons sur les résultats fournis par le Système 1, plus rapide et plus économique en ressources mentales, et notre Système 2 se contente de les endosser.

Suspendre son jugement en s’interrogeant sur la pertinence des informations dont on dispose et en creusant davantage nous met en position de dépasser ses préjugés, de voir le problème autrement et de proposer des solutions différentes, voire meilleures,” insistent Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony.

Résolution de problèmes: quels sont les pièges à éviter ?

Pour Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony cinq écueils sont à éviter pour la résolution de problèmes.

1- Un problème mal posé conduit à de solutions erronées
2- Partir d’une solution a priori conduit à négliger les raisons pour lesquelles elle pourrait échouer
3- Analyser le problème en se trompant de modèle masque des aspects importants et conduit à des solutions inefficaces et coûteuses.
4- Tenter d’appliquer une recette toute faite invite à des analogies superficielles qui mènent à des actions efficaces
5- Quand bien même les quatre premiers pièges seraient évités, les bonnes solutions ne se vendent pas toutes seules. Une solution mal communiquée est aussi inefficace qu’une mauvaise solution.

Afin de pallier ces écueils deux possibilités (méthodes) s’offrent à nous: comme le slow à 7 temps ou la méthode TOSCA 

Résolution de problèmes: comment élargir notre champ de vision ? Comment nous sortir de notre position d’expert ? Slow à 7 temps et méthode TOSCA

Les experts seraient-ils des victimes du système 1 ? Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony soulignent cette zone d’ombre de l’expertise. L’expert, trop concentré sur son domaine d’expertise, trop influencé par son expérience et ses décisions passées, peut perdre de sa créativité, peut être trop confiant quant à la solution à apporter (et quant à la définition de la problématique.)

Face à des problèmes complexes, aux inconnues méconnues, les experts risquent de passer outre leur ignorance en pensant en savoir assez pour les régler. La recherche scientifique montre que l’expertise conduit parfois à un excès d’assurance dans l’évaluation des décisions qui exacerbe la tendance à la réflexion rapide et à son corollaire, “ce qu’on voit et rien d’autre”, avec pour conséquence une réticence à explorer et à analyser le problème à fond. L’expertise est nécessaire à la résolution de problèmes complexes, mais elle ne suffit pas.” (Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony). Face à une problématique qui nous touche, nous sommes ainsi tous des experts. Dès lors, comment sortir de ce statut ? De cette posture ?

Le slow à 7 temps, par la diversité des protagonistes qui interviennent, tous assis autour d’une même table (ou derrière un écran en visioconférence) et son processus en 7 étapes permet de passer outre cette difficulté. Des personnes aux expertises différentes, qui exercent des professions différentes, qui ont vécu des expériences différentes, permettent à la personne qui dépose sa problématique d’élargir son champ de vision et de prendre du recul (les failles sont souvent plus faciles à débusquer chez les autres que chez soi).

De son côté, afin de bien cadrer un problème, Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony proposent de répondre aux cinq questions regroupées sous l’acronyme TOSCA

1- Trouble: quels sont les signes (symptômes, événements, motifs d’insatisfaction, etc.) qui révèlent l’existence d’un problème ? Trouble: insatisfaction qui naît du décalage entre un constat et une aspiration. La notion de trouble suppose qu’on définisse soigneusement la réalité constatée autant que l’aspiration.
2- (donneur d’) Ordre: à qui se pose le problème ?
3- Succès: quels sont les critères de succès ? A quelle échéance ?
4- Contraintes: quelles sont les limites aux actions possibles (ressources, calendrier, contexte) ?
5- Acteurs: quels acteurs ont leur mot à dire dans la résolution du problème, et quelles sont leurs motivations ?

Rappelez-vous ! Avant de trouver la bonne solution, trouvez la bonne question.

Comment améliorer mes compétences en résolution de problèmes ? Comment devenir un professionnel de la résolution de problèmes ? Lire l’ouvrage de Bernard Garette, Corey Phelps et Olivier Sibony est captivant et utile. Tout comme est captivant et utile de suivre le processus Slow à 7 temps. De la lecture, et de la pratique.

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