Le concept de résilience ne cesse de fleurir sur les couvertures des magazines, d’être présenté dans des conférences: tout et tout le monde est « résilient« . Que signifie réellement ce mot ? N’est-il pas galvaudé ? N’est-il pas employé à outrance ? Quel est le lien entre résilience et stress ? La résilience peut devenir un piège, nous explique la neuroscientifique Samah Karaki.

Il est là, tapis dans l’ombre, omniprésent: le stress. Il nous pousse à parler et agir de façon irréfléchie. Il nous trouble. Il nous ronge de l’intérieur. Il nous rend idiot, insensé, emmanché. Dans sa forme chronique, il s’attaque à nos neurones: il atrophie dans notre cerveau l’hippocampe, qui est le centre de la mémoire et de l’apprentissage. Il nous rend triste, taciturne, mélancolique.

En biologie, le stress représente « l’ensemble des réactions d’un organisme soumis à des pressions ou contraintes de son environnement, les stresseurs » (les déclencheurs). Réactions « qui dépendent toujours de la perception de la perception qu’a l’individu des pressions qu’il ressent. » (Wikipedia)

La résilience, c’est l’art de naviguer dans les torrents, Boris Cyrulnik

Face à une situation de stress, notre corps désactive toutes les fonctions essentielles, y compris le système immunitaire. Le stress amène dans notre corps un déséquilibre, qu’il combat. Et c’est ce retour à l’équilibre qui permet de dire que notre système a été résilient.

« Quand on aborde cette notion de résilience, on considère que notre cerveau a évolué pour garder un certain niveau d’équilibre. » Le stress est ce qui nous éloigne de cet équilibre et notre n’aime pas jouer être en déséquilibre. En réponse, il tente donc, par tous les moyens, de revenir à un état d’harmonie intérieur. « Et si on arrive à le retrouver, on peut dire que notre système a été résilient, » explique la neuroscientifique Samah Karaki.

Continuellement, nous sommes confrontés à deux types de stress: le stress physique et le stress psychologique. Une catégorisation que notre cerveau ignore. Pour lui, c’est la même chose, et la réponse apportée au stress physique et psychologique est ainsi semblable ; et c’est bien là le problème.

Stress physique et stress psychologique: différence et ressemblance

Stress physique. Imaginez que vous êtes seul dans la savane, il y a des milliers d’années. Un environnement hostile. Vous cueillez quelques fruits et quelques racines, quand, soudain, vous entendez un étrange bruit dans les fourrages. Que se passe-t-il ? Que se trame-t-il ? Peut-être rien, ou pas…

Deux choix s’offrent à vous,

  • Vous restez confiant et vous ne bougez pas. Si le bruit vient d’un animal sauvage, pas de chance pour vous: votre vie en dépend…
  • Vous stressez, vous imaginez le pire et vous courez. Si le bruit n’est que le résultat du vent, vous avez couru pour rien. Mais vous êtes en vie. Imaginez le pire est, ici, très utile.

Stress psychologique. Imaginez maintenant que vous devez prendre la parole devant un public, que vous avez votre entretien individuel avec votre chef, que c’est la première représentation de votre pièce de théâtre, que vous déclamez votre flamme à l’élu(e) de votre coeur, etc. Contrairement au stress physique, qui nous protège d’un mal (et parfois d’une mort éventuelle), notre survie ne dépend pas du stress psychologique. Pourtant, la réponse apportée à ce type de stress est la même: mise en veille de nos fonctions physiologiques prioritaires.

Imaginez à présent que ce stress psychologique dure des semaines, des mois, des années ; vous comprenez en quoi cette réponse non adaptée de votre corps nous tue lentement (maladies cardiovasculaires, diabètes, cancers, maladies immunitaires, trouble du sommeil, céphalées, etc.)

Le stress: avantage adaptatif et principe de précaution

Mieux vaut courir que périr: penser au pire scénario est un avantage adaptatif, d’un point de vue évolutionniste. Notre survie en dépend. Toutefois, ce principe de précaution généralisé n’est plus adapté de nos jours: nous ne sommes plus des chasseurs-cueilleurs et notre environnement est moins menaçant. Actuellement, il y a ainsi une discordance adaptative: oubliez votre texte lors de votre représentation théâtral ou parler en public ne vous tuera pas.

Dans notre vie moderne nous déclenchons la réaction « stress » pour des raisons purement psychologiques. Quotidiennement, notre corps baigne alors dans un bain d’hormones corrosives (en cas de stress notre corps sécrète notamment du cortisol). Un bain perpétuel, qui ne se vide pas, ou peu, et qui nous ronge de l’intérieur, doucement et sûrement. Dès lors, le facteur déclencheur du stress est moins dommageable que sa réponse.

Un enjeu sociétal: stress et résilience

Beaucoup de personnes déclarent que notre résilience provient de nos pratiques individuelles. Que nous en sommes les acteurs. C’est partiellement vrai, et donc aussi faux. « Nous oublions de considérer les enjeux sociaux, » explique Samah Karaki avant de renchérir: « C’est là où la résilience devient dangereuse, quand c’est une quête d’aller bien, mais qui ignore la source du mal. »

« Cette façon d’aborder la santé mentale et la résilience comme un concept individuel finit par blâmer l’individu, nous détourne des structures et ne nous invite qu’à agir sur notre état d’esprit. Mais nos cerveaux sont façonnés par la société et si la société va mal, il est tout à fait normal que nous allions mal. Et quand on va mal parce que la société va mal,on a besoin de plus que de penser positivement. »

« Nous avons besoin de plus que d’aller bien parce qu’aucune étreinte aux arbres ne va sauver nos forêts brûlées, mais une réflexion radicale et collective de nos modes de production et de consommation. Et aucune séance de yoga ne sera vraiment une aide pour une personne qui souffre de burn-out professionnel si on ne réfléchit pas au milieu du travail pour le rendre aligné avec notre besoin d’autonomie, de reconnaissance et de respect de notre valeur humaine. »

Otez-moi ce stress que je ne saurai voir, ou pas: à la recherche du « bon » stress ; l’eustress

Stresser n’est pas toujours mauvais. C’est parfois utile et pertinent. Le « bon » stress existe et se nomme “eustress” nous explique le neuroscientifique Albert Moukheiber. La différence entre le « mauvais » stress et l’”eustress” est, selon Albert, juste une question de temporalité.

Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison, Paracelse

Si vous stressez un jour avant votre présentation powerpoint devant vos supérieurs, c’est un stress acceptable qui vous procurera un boost d’énergie. C’est une préparation positive à l’action. Par contre, si vous stressez deux semaines avant, cela vous coûtera énormément d’énergie et ne fera pas de bien à votre corps.
Tout est dans le dosage…

 

Sources:

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