Plus je sais, moins je doute et plus je crois savoir: et c’est bien là le problème. Comment ne pas se laisser s’égarer par l’expérience ? Comment l’expérience peut-elle devenir un tremplin et non un précipice ? Comment ne pas devenir prisonnier de notre expérience, de notre savoir ? La réponse tient en deux mots: humilité confiante.

Comme nous l’écrivions dans notre billet de blog du 2 janvier 2021, nous sommes plus susceptibles de déborder de confiance lorsque nous manquons de compétences ; c’est ce que les psychologues nomment l’effet Dunning-Kruger.

Ce à quoi répond Adam Grant, psychologue, professeur à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie, spécialisé dans la psychologie du travail et des organisations et auteur du livre “Le pouvoir de la pensée flexible”: « En acquérant de l’expérience, nous perdons en humilité. La fierté que nous tirons de nos rapides progrès encourage un sentiment injustifié de maîtrise. Cela déclenche un cycle d’excès de confiance, ce qui nous empêche de douter de ce que savons et d’être curieux de ce nous ne savons pas. Nous sommes pris dans une bulle de suppositions fausses, qui nous maintient dans l’ignorance de notre ignorance. »

Comment s’échapper de cette bulle de suppositions ? Comment respirer un air frais et différent ? En restant humble, en faisant preuve d’humilité, explique Grant.

« On se méprend souvent sur l’humilité. Cela n’a rien à voir avec un manque de confiance en soi. Une des racines latines du mot signifie “ce qui vient de la terre”. Il s’agit de garder les pieds sur terre: de reconnaître que nous sommes imparfaits et faillibles. »

Et de rajouter: « Nous avons besoin de parvenir à une humilité confiante: avoir foi en nos aptitudes, tout en appréciant le fait que nous n’avons peut-être pas la bonne solution ou même que nous ne traitons peut-être pas le bon problème. Cela nous fait suffisamment douter pour réexaminer nos connaissances anciennes et nous donne assez confiance pour chercher de nouveaux éclairages. »

Conviction confiance humilité

« Les grands penseurs ne nourrissent pas des doutes parce qu’ils sont des imposteurs, » raconte Adam Grant: « Ils entretiennent le doute parce qu’ils savent que nous sommes tous partiellement aveugles et qu’ils ont fait le vœu d’améliorer leur vision. Ils ne se vantent pas de l’étendue de leur savoir ; ils s’émerveillent de comprendre si peu de choses. Ils sont conscients que chaque réponse soulève de nouvelles questions, et que la quête de la connaissance ne finit jamais. »

Et à Adam de pointer le problème de l’attachement, qui est: « ce qui nous empêche de reconnaître que nos opinions sont à côté de la plaque et de les reconsidérer. Pour que jaillisse la joie d’avoir tort, nous avons besoin de nous détacher. »

Me tromper est le seul moyen de vérifier que j’ai appris quelque chose, Daniel Kahneman, psychologue et prix Nobel d’économie

Restez humble face à votre savoir et à votre expérience. Devenez, parfois, passionnément dépassionné et écoutez vos interlocuteurs activement, avec une extrême soif de compréhension et d’apprentissage. Soyez curieux, véritablement ouvert d’esprit, et ne vous retenez pas de changer vos croyances ou vos convictions. Cela ne vous rend ni plus faible ni plus vulnérable, au contraire. 

 

Source: Adam Grant, Le pouvoir de la pensée flexible, Alisio, 349 pages, septembre 2021